Conférence 2025 des Nations Unies sur le financement du développement à Séville : le document final laisse trop peu de place à la solidarité internationale.

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La Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) tant attendue se tiendra à Séville, en Espagne, du 30 juin au 3 juillet, afin de définir le programme mondial du financement du développement.

Le document final, ou Compromiso de Sevilla, entériné le 17 juin par les gouvernements, représente une étape décisive dans le discours mondial sur le financement du développement. Alors que le monde est confronté à une série de crises étroitement liées entre elles, il est plus urgent que jamais d’adopter un cadre financier solide et inclusif.

Le document final comporte quelques avancées, mais présente également de profondes lacunes, qui doivent être corrigées pour placer la démocratie et la justice sociale au centre de l’architecture financière internationale.

Points forts du Compromiso de Sevilla :

  • Intérêt bienvenu pour le travail décent : L’engagement pris pour investir dans les secteurs productifs, la création d’emplois décents, la formalisation et le perfectionnement des compétences est une mesure positive. Pour obtenir un impact maximal, cette ambition devra s’accompagner de stratégies de mise en œuvre claires et d’une forte impulsion en faveur de la formalisation de l’économie informelle, en particulier pour les travailleurs non déclarés et classés de manière erronée dans les entreprises.
  • Financement de la protection sociale : Le document final comprend un objectif mesurable pour les pays en développement, qui consiste à augmenter la protection sociale de deux points de pourcentage par an – un engagement préconisé par l’Organisation internationale du Travail et soutenu par des experts tels que le rapporteur spécial des Nations Unies, Olivier De Schutter. Cet objectif vise à remédier aux considérables carences de protection sociale, étant donné que près de la moitié de la population mondiale est actuellement dépourvue de toute forme de couverture sociale. En outre, le document souligne la nécessité d’un financement prévisible, suffisant et permanent de la protection sociale en cas de chocs et de crises, en reconnaissant l’importance des mécanismes de financement internationaux pour aider les pays à faible revenu à réduire leurs déficits de financement dans le domaine de la protection sociale.
  • Avancée vers une imposition juste : Le document final prévoit un engagement visant à encourager une fiscalité progressive dans le cadre de systèmes fiscaux respectueux de l’égalité des genres, à améliorer la transparence fiscale internationale et à garantir une imposition équitable des entreprises et des ultra-riches. En outre, le document soutient les efforts déployés pour renforcer la coopération fiscale internationale, notamment en prenant part au processus d’élaboration d’une convention-cadre des Nations Unies sur la fiscalité – un grand pas dans la lutte contre l’évasion fiscale et dans la mise en place d’un système fiscal mondial plus inclusif et plus équitable.

 

En dépit de ces aspects positifs, plusieurs questions fondamentales ne sont pas assez prises en considération, ou sont absentes.

Sujets de préoccupation du Compromiso de Sevilla :

  • Une réforme insuffisante de l’architecture de la dette : Compte tenu du fait que 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui dépensent plus d’argent dans le remboursement de la dette que dans la santé et l’éducation, une des faiblesses les plus flagrantes du document final est l’absence d’un mécanisme solide de restructuration de la dette. En raison du blocage systématique des pays du Nord, le document propose un processus intergouvernemental pour promouvoir des principes volontaires sur les emprunts et les prêts souverains, mais ne reconnaît pas la nécessité d’un mécanisme multilatéral permanent de règlement de la dette. Cette omission laisse les pays en développement vulnérables face à un endettement insoutenable, sans solution d’allègement explicite.
  • Un engagement limité à l’égard de l’aide publique au développement (APD) : Le document réaffirme l’importance de l’APD, mais ne prévoit pas d’engagements concrets et définis dans le temps pour améliorer les niveaux d’aide ou pour veiller à ce que l’aide soit utilisée de manière efficace. Dans un contexte de réduction drastique de l’aide, ce manque de précision est alarmant.
  • Il faut de meilleurs critères pour mettre le financement privé au service du développement : Avec les capitaux privés, le financement des ODD aurait dû se chiffrer non pas en milliards mais en « milliers de milliards ». Comme l’a récemment admis l’économiste en chef de la Banque mondiale, « la mauvaise nouvelle, c’est que cette vision s’est révélée une chimère ». Néanmoins, le Compromiso de Sevilla appelle à une plus grande mobilisation des capitaux privés et du financement mixte dans le développement, avec de vagues références aux mécanismes de suivi et de responsabilité pour mettre les financements privés en adéquation avec les ODD.

Questions urgentes à régler

Afin que le Compromiso de Sevilla constitue un cadre véritablement porteur de transformations pour le financement du développement, les actions suivantes sont essentielles :

  • Mettre en place un mécanisme de la dette sous l’égide des Nations Unies : Ce mécanisme devrait formuler des principes précis sur l’allègement de la dette et garantir que les pays confrontés à un endettement insoutenable puissent accéder à des processus équitables et transparents.
  • Accroître l’APD et s’assurer de son efficacité : Il s’agit d’atteindre des objectifs spécifiques pour augmenter l’APD et d’instaurer des mécanismes qui veillent à ce que l’aide soit utilisée efficacement, en privilégiant la transparence et l’obligation de rendre des comptes.
  • Faire en sorte que le financement privé soit tenu de rendre des comptes : Les politiques de développement des gouvernements ne doivent pas dépendre des intérêts des entreprises. Lorsque des entreprises privées gèrent des fonds publics (par exemple des fonds de coopération au développement), elles doivent promouvoir la création d’emplois décents et respecter les normes de l’OIT, la diligence raisonnable et le comportement responsable des entreprises. C’est pourquoi nous demandons un traité contraignant des Nations Unies sur les multinationales et les droits humains.

Conclusion

Luc Triangle, secrétaire général de la CSI, a déclaré : « Ce document ne répond pas aux attentes parce qu’il laisse trop peu de place à la solidarité internationale, en particulier en ce qui concerne la réforme du système financier international, qui est nettement insuffisante. L’allègement de la dette était et reste la meilleure solution pour permettre à de nombreux pays de pouvoir enfin investir dans les soins de santé et l’éducation. Tant que ce système ne sera pas réformé en profondeur, les avancées en faveur de la justice sociale seront paralysées, ce qui est impardonnable.

« Le message de la CSI est clair : la finance doit être au service des personnes et de la planète, et non au service du profit et du pouvoir. »

« Les travailleurs du monde entier exigent des institutions démocratiques et transparentes capables de mettre en œuvre le nouveau contrat social. Il est temps de passer des principes à la pratique et des promesses aux politiques. Le deuxième Sommet mondial pour le développement social nous donnera prochainement une nouvelle chance de faire preuve d’ambition et de placer la justice sociale au centre du développement durable. »

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